Quand Einstein rencontre…
Quand Albert Einstein rencontre David Ben-Gourion.
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Ceux qui ont fait l’Histoire » Quand Einstein rencontre Ben Gourion…
La scène se passe sur la terrasse du petit bungalow, au kibboutz Sdé Boker, là où vivait David Ben Gourion. Le premier 1er Ministre d’Israël reçoit ce jour-là son vieil ami Albert Einstein.
Ben Gourion : Sais-tu, cher ami, que je fus un grand adepte de ta théorie sur la relativité ? Un jour en effet, j’ai nié avoir 80 ans car si j’enlevais mes 20 années passées en diaspora, cela me faisait 60 ans…. Je te sers un café ?
Einstein : Hé, Hé… Je te reconnais bien là… Un sucre s’il te plait…
Voici une autre relativité pour te convaincre de la justesse de mon analyse : Songes qu’en plaçant pendant une minute ta main sur un poêle, cela te semble durer une heure. Assieds-toi auprès d’une jolie fille une heure et cela te semblera durer une minute. C’est aussi ça la relativité, mon cher David…
Ben Gourion : (en riant) Je me suis toujours demandé pourquoi tu n’avais jamais pris l’initiative de résider en Israël. Tu aurais pu être un grand Président…
Einstein : Tu le sais bien. Tout simplement parce qu’Israël est une réalité bien complexe. Pourquoi croies-tu que tant de gens aiment couper du bois ? C’est une activité où l’on voit tout de suite le résultat. Avec Israël, rien n’est simple car le pays veut connaître exactement les pensées de Dieu en considérant que tout le reste n’est que détails.
Ben Gourion : Tu as parfaitement défini le pays. (Tout en montrant de la main les arbres fleuris et l’étendue verdoyante du kibboutz). J’ajouterais même que si tu ne croies pas au miracle en Israël, tu n’es pas réaliste.
Einstein : J’y crois au miracle israélien ! Et je dirais même que le Dieu d’Israël est subtil, mais pas malveillant. Israël répond à une promesse, à un drame historique et à la volonté d’un peuple. Dieu ne joue pas aux dés. Il sait parfaitement ce qu’il fait. Il a l’éternité devant lui alors qu’Israël vit son temps, cette image mobile de l’immobile éternité.
Ben Gourion : Et puis mon cher Albert, je te fais confiance pour toujours distinguer l’essentiel de la futilité dans la jeune histoire de notre pays. A partir de là, croies-moi, l’essentiel est extrêmement positif.
Einstein : Même si le pays a connu six décennies de critiques et de condamnations ?
Ben Gourion : Quant aux condamnations du monde, il vaut mieux recevoir ses engueulades que ses condoléances. La force que le pays a toujours montrée et déployée est la seule politique possible. Tu sais qu’on me qualifiait de « Lion ». Le pays a toujours été à mon image : Un Lion. Et j’ai tendance à penser qu’il vaut mieux vivre un jour comme un Lion que cent jours comme un mouton.
Einstein : Je pense en effet que la valeur d’un homme tient davantage dans sa capacité à donner que dans sa capacité à recevoir. (Tout en allumant sa pipe) Et toi-même David, pourquoi avoir décidé un jour de 1953 de t’installer au kibboutz Sdé Boker ?
Ben Gourion : Je t’explique. Vers la fin de 1953, je revenais d’Eilat vers Jérusalem, quand je vis tout à coup quelques tentes qui, je le savais, n’étaient pas là auparavant. J’ai arrêté la voiture et j’ai questionné ses jeunes occupants sur leurs activités. Ils me répondirent qu’ils avaient combattu dans la région pendant la guerre d’indépendance et que d’ailleurs des juifs vivaient ici depuis 2000 ans. Maintenant, ils voulaient s’y installer. Je fus très touché par ces paroles, ne connaissant que trop bien la situation dans le Néguev dont la terre est aride et très salée. Tout devait être entrepris à partir de zéro. Sans en faire part aux jeunes, je décidai à l’instant même de me joindre à eux pour quelques années. Cela représentait l’idéal qui m’avait toujours attiré : Construire et créer par un travail personnel en commençant à partir de rien, d’autant que j’avais la conviction que repeupler le désert du Néguev était une mission d’intérêt national, tant au point de vue sécurité qu’économique. Je me suis dit alors « Pourquoi ne prendrai-je pas la possibilité de participer à la création d’une œuvre pareille ?
Einstein : Tu parles toujours d’idéal et d’intérêt national… Quant à moi, j’ai toujours considéré le nationalisme comme une maladie infantile. C’est la rougeole de l’humanité. Et les grands esprits ont toujours rencontré l’opposition farouche des esprits médiocres. Croies-moi, le monde continue à être dangereux à vivre ! … Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire…
Ben-Gourion : Les faits démentent pourtant cette théorie.
Einstein : Si les faits ne correspondent pas à ma théorie, changes les faits.
Ben Gourion : En tous cas, tu me connais Albert, et tu sais que j’ai toujours été prêt à rencontrer ceux qui font du mal à Israël car la querelle qui nous sépare leur nuit plus à eux qu’à nous. Ils consacrent beaucoup de moyens à leurs armements au détriment du niveau de vie de leurs populations tandis que nous – malgré le fardeau de la défense – nous construisons un pays…
(Après une courte pause). Ainsi, tu ne crois donc ni au nationalisme ni à Dieu…
Einstein : Définis-moi d’abord ce que tu entends par Dieu et je te dirai si j’y crois. Quoiqu’il en soit, ce que je sais de Dieu en tant que scientifique, c’est que l’escalier de la science, en l’occurrence l’échelle de Jacob, ne s’achève qu’aux pieds de Dieu. Personnellement, ce qui m’intéresse vraiment c’est de savoir si Dieu avait un quelconque choix en créant le monde.
Ben Gourion : (Tout en regardant le soleil décliner derrière les collines toutes proches du Néguev). A chacun ses centres d’intérêt. Moi, ce qui m’inquiète plutôt, c’est de voir que le désert occupe encore une grande partie de notre pays. Or, nous devrions davantage peupler cette région désertique abandonnée par les hommes mais que notre créateur a mise là pour le fertiliser et parachever ce qu’Il n’a pas eu le temps de terminer…
Einstein : Toujours aussi pragmatique…
Ben Gourion : Et toi toujours à te perdre dans cet univers infini.
Einstein : Tu sais que j’ai toujours pensé qu’il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue
Ben Gourion : Je crois, Albert, que nos avis divergent dans beaucoup de domaines mais que nous avons un point commun, nous les juifs, c’est l’humour. Je vais te raconter une anecdote. Un jour que je présidais une réception officielle à Jérusalem, il faisait une grande chaleur. Supportant mal la canicule, je me défie rapidement de mon gilet et de ma cravate, et commençais à relever les manches de ma chemise lorsque l’un de mes ministres me fit une remarque :
– David, tu te montres comme ça à une réception officielle ?!
– Oui ! C’est Churchill lui-même qui m’a recommandé cela !
– Comment est-ce possible ? Un Anglais ?
– Oui, un jour j’étais invité à une réception à Londres, il faisait encore plus chaud qu’aujourd’hui. Je n’en pouvais plus, alors j’ai retiré le gilet, la cravate, et j’ai relevé mes manches… Tu sais ce que m’a dit Churchill ? Il m’a dit : « David, faites ça plutôt en Israël »…
Einstein : (Bref ricanement d’Einstein). Tu as raison, David. La seule chose absolue qui reste dans un monde comme le nôtre, c’est l’humour.
(Les deux personnages se taisent soudain, et contemplent avec gravité le coucher du soleil).
« Propos » recueillis par Gilles Sitruk /* Ce dialogue a été imaginé par Select Israël en fonction des authentiques déclarations et propos ici reproduits de David Ben Gourion et d’Albert Einstein