LE VILLAGE

Le Village

J’étais arrivé en 1995, ou 96, je ne m’en souviens plus, un petit village du Gers avec une hall singulière qui servait autrefois aux colporteurs qui redescendaient du nord, et souhaitaient vendre les articles récupérés au cours de leur voyage. C’était un village que l’on ne trouve que par hasard  dans une nuit de pluie et de froid. Pourtant, dans un chemin sans issue j’arrivais sur une petite placette, où, je l’appris plus tard, s’érigeait le château du Duc de Montpezat, nom du village.

Et là ! En face moi une maison en colombage présentait sa façade prétentieuse ! J’en tombais amoureux ! J’y sentais comme un appel, une fuite, un lieu tellement inconnu qu’il était facile de s’y faire oublier. Naïf et idiot je le suis ! L’oubli m’attirait, je ne sais pourquoi ! Le charme de la maison, je n’en étais pas sur, plus l’oubli m’attirait, la déprime de l’endroit, le fait de disparaître de m’abandonner à la tentation de «  l’in existentiel ». Un effort pour pouvoir me rayer de la mémoire des gens. Ou alors, une nouvelle forme d’agoraphobie furieuse !

Lorsque je m’installais dans cette maison que j’avais acquis, j’en oubliais presque l’existence du dehors. Peu à peu, je m’attachais à ce bout de vie avec une exceptionnelle fringale de non-être.

Je me tenais à l’écart des gens du village, évitant d’être vu, eux faisaient tout pour que je les remarque. Se rapprochant peu à peu de la maison lorsque j’étais là, tel des mouche affamées et curieuses. Je me faisais plus petit encore que je ne l’étais. Je me sentais coupable de ne pas répondre à leurs appels incessants. Au début, il s’arrêtaient de temps à autres pour parler du beau temps, du temps d’hier et de demain avec moi, gentils, ils semblaient êtres. Je fermais les volets, ne les ouvrant uniquement lorsqu’il n’y avait personnes aux alentours. Devrais-je disparaître ? Disparaître et trouver un univers parallèle dans le village des ce gens afin qu’ils ne m’aperçoivent ? La paix et plaisir unique de l’oubli !

Mais je ne passais pas beaucoup de temps chez moi, je travaillais à une cinquantaine de kilomètres de chez moi, et mes journée commençaient de matin à huit heures, quelques fois beaucoup plus tôt, pour finir le soir très tard.

Mon amie habitait loin d’ici, et il m’arrivais de partir le voir en week-end. Un jour, je m’aperçu que les villageois, pendant mes absences envahissaient peu à peu mon espace de liberté. Mon premier voisin de proximité n’était là que quelques samedis et dimanches dans l’année. Puis, tout à coup, il se mit à venir de plus en plus souvent. Sa maison, en l’occurence très moche, ressemblait à ces baraques en préfabriqué de chantier que l’on rajoute dans les écoles qui manque de classe. Comme une caisse que l’on aurait posé sur un bout de gazon absolument symétrique, sans un brin qui dépasse, un truc surréaliste et laid à la fois !

Ce voisin m’emmerdait à aller et venir devant chez moi avec sa putain de bagnole au gasoil, le genre connard de la ville que je fuyais. En plus, il avait le culot d’être né dans ce paradis de solitude. Un opportuniste qui voudrait reconquérir le territoire de ses ancêtres, la mairie, un territoire qu’il ne méritait pas, parce qu’il n’avait pas découvert l’essence même de ce bled perdu, un massacreur de bonheur avec sa Peugeot diesel, sa tronçonneuse, sa tondeuse à gazon. Une tronche de cake comme vous en rencontrez rarement, et de première catégorie s’il vous plait !

Pas celui que l’on fréquente tous les jours au boulot, non, un plus naze encore, celui qui regarde tous les jours la « pub » à la télé et fait exactement ce qu’elle lui dit, être con plus encore que les autres. La haie de ce gus me bouffait la lumière du soleil que je désirais à l’intérieur de la maison, vous savez, cette lumière qui vous réchauffe, la haie de ce mec et mon téléphone me pourrissaient la vie. Je me disais que le temps et peut-être l’habitude m’aideraient à accepter cette monstrueuse cohabitation. Si j’achetais une maison ailleurs serais-je débarrassé de ce gens ?

Puis je compris que la stratégie consistait à me faire abandonner les lieux, pour leur céder la place. Peut-être parce que je ne participais pas à tous les rituels qui consistaient à assister à toutes les fêtes du village  et réélire le même maire maire chaque année, retaper ma maison pour ne pas qu’elle donne l’aspect d’abandon à la vue d’éventuel touriste qui pourrait se perdre dans le coin. Ils n’avaient pas compris que c’était l’oubli de ce village qui m’avait attiré, cette maison délabrée était la source même de mes inspirations.

Ce qu’ils voulaient eux, c’était mettre tous leurs potes à la mairie, pour avoir le pouvoir de ce misérable village, je ne voulais rien changer à ce décor de trou du cul du monde. Mes deux chats que je nourrissais aussi peu souvent que j’étais là, étaient les seuls êtres que j’acceptais dans mon existence de disparu. De tous les destins que j’ai choisi, je croyais avoir trouvé ce que je cherchais, le « Néant ».

Lorsque j’étais dans la maison renfermé et protégé, j’épiais les voix du dehors, et je flippais que quelqu’un ne vienne frapper à la porte, me déranger dans mon univers de rien ; peur de devoir renoncer à cet univers si fragile de la patience et de l’ennui.

Puis, une idée vint m’assaillir, je pris conscience que je n’avais jamais vu leur pieds, oui, un morceau de mes voisins que jamais je n’aurai l’occasion de me moquer !

Mais, comment les convaincre de me montrer leur pieds ? Alors, je décidais d’échafauder un plan afin de les pousser à ôter leur pompes lorsqu’ils marchaient dans les rue de leur putain de village.

Je m’arranger pour rencontrer le maire un soir en rentrant du boulot sans que les indigènes ne me remarque. Vers vingt heures tous les soirs, il allait manger chez sa fille, celle qui marchait comme les oies qui trottinaient derrière elle toute la journée. Gentille et discrète à la fois, je pensais que c’était la personne la plus sincère du village. Etonnant n’est-il pas ? Bref, j’arrivais au moment où il sortait de sa voiture.

  • bonjour Monsieur le Maire ! lançais-je après avoir descendu ma vitre de voiture, il ne put se retenir de venir vers moi pour me parler de la pluie et du beau temps. J’enprofitais pour pour ui glisser une rumeur, en lui disant que j’avais entendu en vile que les calottes glacières se mettaient à fondre excessivement vite, et que certains savants émettent l’hypothèse d’une gigantesque inondation sur les pays habités, et que le seul moyen d’y échapper était de vivre pieds nus toute l’année, les orteils écartés.      
  • Et voilà qu’un mois après, je vis apparaître un « bouzeu » pieds nus les orteils écartés devant chez moi, vraiment le « méga bouzeu », celui qu’il est impossible de voir à la ville. Il regardait la maison d’en face, je ne sais toujours pas pourquoi, je décidais de sortir et d’aller discuter « le bout de gras » avec le spécimen fabrication maison.  
  • Bonjour Monsieur, comment allez-vous ?
  • B’jour ! Sale temps y va faire !

Je lui dis qu’il y a une autruche sur le toit de ma maison, il se retourne, je l’assomme, c’est facile finalement. Je lance une corde sur un arbre proche et suspends le « patacaisse » par les orteils, puis retournais fermer ma maison, et ne suis jamais revenu dans ce village.Mais les habitants ont continué le rituel entre eux, encore et encore, chaque jour, ils se pendent par les orteils pensant que c’est un bon système pour échapper à la montée des eaux.

Journal de vingt heures : 

Douze personnes attachées par les orteils en haut des arbres d’un village perdu dans le monde ont été retrouvées, il semble que ce soit là un rituel pratiqué par leurs ancêtres. 

 

Naej