EDITORIAL – 23 juin 2017
La mer de nuages s’étendait tout autour des montagnes, au-delà l’Espagne apparaissait. Les chèvres broutaient depuis tôt le matin, le soleil était au rendez-vous. Le zénith annonçait la pause repas. Francis ouvrit son petit sac à dos en en sortit une grande serviette nouée, Il défit les noeuds cérémonieusement puis l’étala sur l’herbe grasse. Apparurent alors une belle miche de pain, un bon morceau de Basque et une gourde remplie de vin du village.
Il commença par avaler une rasade de ce merveilleux vin ensoleillé, le fit tourner autour de sa langue puis déglutit. Francis réfléchissait à la demande qui lui avait été faite de la part des villageois. André, le maire lui avait expliqué qu’il était considéré un peu comme le patriarche, le sage de la commune. De par ses études, et le choix de son retour aux sources, ils considéraient tous que ses conseils étaient avisés. Alors, ils étaient montés la veille pour lui demander conseil. Les futures élections présidentielles se préparaient, et tous les citoyens étaient perdus, quel choix devrait-ils faire.
Francis avait presque mis dix minutes avant de parler.
Vous avez un choix à faire, vous devez le faire en toute conscience, avec votre coeur en pensant à vos enfants, mais le choix que je ferais moi pourrait vous décevoir.
….. le silence s’était éternisé, jusqu’à ce que Roger un vieux berger s’adresse à lui, en disant : nous avons besoin d’aide !
Francis réfléchit encore puis dit, le choix vous avez commencé à le faire. Le choix le plus judicieux, c’est de ne pas attendre que quelqu’un parle en votre nom. Chacun, vous êtes des êtres pensant, avec des idées, notre système, aujourd’hui vous dicte comment vous devez penser ! Refusez le système et pensez par vous-même !
André reprit la parole et s’adressant à Francis : mais comment refuser ce qui arrive, comment notre parole peut être entendue ?
Après quelques minutes Francis les regarda les uns après les autres et dit : faites ce qui vous semble le plus juste pour vous et vos enfants, vous avez le droit de refuser ce que vous ne voulez pas !
Mais pour les élections que devons-nous faire, dit un jeune agriculteur de la plaine !
Francis prit son temps, puis dit : allez dans la rue et affichez ce que vous refusez, réunissez-vous, par centaines, par milliers et exprimez-vous en toute liberté, mais surtout faites le sans violence ! Il y a vingt cinq ans, j’ai voulu montrer la voie à des militants du parti auquel j’appartenais, c’était pour empêcher l’extrême droite de passer au pouvoir, nos manifestations étaient pacifiques, mais peu ont osé exprimer ce qu’ils désiraient réellement. Nous n’étions pas assez nombreux, j’ai fait deux ans de prison ferme pour avoir contesté le pouvoir. Je me suis retiré car personne n’était prêt ! Alors, si vous le faite, allez jusqu’au bout, mais évitez à tout prix la violence !
Tous les villageois décidèrent de créer une association citoyenne pour porter les idées de chacun, ils appelèrent tous les villages de la montagne, le mouvement prit une telle ampleur, que des Pyrénées, il s’étendit sur tout le Sud-Ouest de la France. Deux mois après, il avait traversé la France et envahit la totalité des départements. Les primaires approchaient, mais le mouvement n’était pas encore assez puissant. Les médias contrôlés par les élites diffusaient de fausses informations pour empêcher des émeutes.
Les deux plus dangereux candidats se trouvaient en liste du deuxième tour, et ni l’un ni l’autre ne convenaient pour aider les Français.
Sergio était déçu par le résultat des élections présidentielles. Il avait rejoint ses amis militants, la veille, dans le bar qu’ils appelaient leur QG « chez Néné », et ensemble ils avaient suivi le dépouillement du premier tour. La droite et l’extrême droite qui n’avaient cessé de se disputer la présidence avaient provoqué ce formidable fiasco. Sergio était de ces irréductibles de la gauche ouvrière qui croyaient en un monde utopique de partage et d’harmonie. Dans le conflit qui partageait les partis politiques, aucun n’avait vu arriver la dangereuse machine de l’extrême droite. Pour le deuxième tour, les deux candidats arrivaient en tête représentaient l’extrême droite et la droite. Un futur de capitaliste et de fascisme.
Les réseaux d’informations Internet bouillonnaient, et les citoyens conscients du marasme s’installant, commençaient à se demander comment juguler cette catastrophe. Le lendemain du premier tour, ils étaient là tous les douze, avec des visages étonnés à chercher ce qui s’était passé. C’est Louise qui prit la parole ce matin, en ce levant, la tasse de café à la main
Nous n’avons qu’une seule chose à faire, refuser de reconnaitre le résultat de ces élections ! Pour cela, allons dans la rue, appelons tous les citoyens à faire de même, proposons de renverser les banques, refusons ce nouveau pouvoir.
Le silence dura presqu’une minute, lorsque Paul, le leader se leva. Grand, un ventre qui commençait à accrocher, avec ses petits doigts, le bord de son pantalon. Paul était calme et réfléchi lorsqu’il présentait une idée. Il l’avait d’abord tourné dans tous les sens, pour en extraire le meilleur avant de l’adopter.
Tous les individus qu’ils côtoyaient étaient totalement désespérés. Ils avaient créé un mouvement citoyen pour renverser le système politique corrompu, qui, depuis plus de 30 ans dilapidait l’argent de l’état, des citoyens, pour s’enrichir.
Au deuxième tour, plus de 60% des électeurs refusèrent, tout d’abord de voter, mais se retrouvèrent dans la rue pour demander la démission de tous les hommes politiques, demandant le retrait des banques et des grosses multinationales dans le complot politique !
Les forces de police furent dépêchées dans la rue pour endiguer les émeutes, mais en fait, toutes se sont retrouvées du côté des émeutiers. Alors le président activa les forces armées. Mais après des palabres des deux côtés, les forces armées ont déposé les armes et se sont rangé auprès du peuple.
Un blocus s’établit dans tout le pays, les banques furent obligées de fermer, puis ce fut le tour des grandes surfaces. Le transport fut totalement paralysé en deux jours. Plus aucun transport en commun n’échappa à cette paralysie. L’Islande proclamait son allégeance à la cause des citoyens français. La Pologne s’engagea également à soutenir les citoyens français. Puis vint l’Angleterre, malgré son « Brexit », affichait sans retenue son engagement pour les citoyens français. Le président des Etats-Unis proposa son soutien à l’ancien gouvernement français, mais les citoyens américains s’y opposèrent. Il proposa alors de détacher ses propres forces armées pour intervenir, mais celles-ci refusèrent de se mêler des affaires politiques françaises. Plusieurs accords politiques étrangers furent annulés, comme la vente d’armes à plusieurs pays du tiers monde. L’extraction des puits de pétrole pour la France fut arrêtée. Le Moyen-Orient commençait à s’inquiéter du manque à gagner qui se propageait. Plusieurs pays d’Europe rejoignirent la France dans son soulèvement.
Devant l’Elysée une foule de plus de quinze mille citoyens se sont rassemblée en une journée, puis vingt cinq mille au bout de douze heures. Les gardes en faction devant les portes principales finirent par laisser rentrer la foule. Mais comme l’avait demandé Francis, il n’y eu aucune violence. Si certains commençaient à parler de règlement de comptes, aussitôt ils étaient entourés par les citoyens qui souhaitaient respecter l’engagement de départ, « pas de violence ! ». Le président entouré de ses ministres finit par capituler. Ils furent tous embastillés jusqu’au procès qui les attendait. L’économie du pays fut complètement déstabilisée. Un conseil de sages fut mis en place par les citoyens. Aussitôt, ceux-ci remirent en fonction tous les systèmes publics de transport. Les monnaies locales se multiplièrent en deux jours. Chaque région se mit au travail quant à la production de leurs ressources. En l’espace de quinze jours la France était à nouveau prête à gérer sa propre économie. En deux mois, la France avait retrouvée une harmonie tant attendue. Un revenu universel fut mis en place par les sages, déjà, basé sur le partage des richesses des élites. Puis furent validées les entreprises de nature écologique, où les bénéfices étaient soit réinvestis, soit repartagés.
Le schéma classique politico-économique français avait été balayé. Le nouveau pouvoir était citoyen. Le gouvernement avait été annulé, en 2017, aux dernières présidentielles renversées par une liste citoyenne qui avait été choisi par le peuple et qui avait renversé tous les dogmes ancestraux et traditionalistes. Les banques avaient été interdites de gérer l’argent du citoyen. Elles fermaient les unes après les autres.
Chaque région de France était devenue autonome. Chaque région produisait son énergie propre. Le développement du jardin partagé et ouvert à tous gratuitement permettait de subvenir aux besoins alimentaires de toute la population. Chacun venait y planter et aider les autres à planter. Un revenu universel avait été voté par le peuple. Tous les droits, immunités et profits des anciens élus, avaient été supprimés. Les grosses fortunes qui avaient endetté la France depuis le 20e siècle avaient perdu le pouvoir d’acheter des entreprises. Les élus des 40 dernières années devaient rembourser la dette créée de ces 4 dernières décennies. Les privilèges des anciens élus avaient été abolis. Plus de voiture de fonction, plus de rémunération frauduleuse. La retraite des anciens élus avait été plafonnée à hauteur du nouveau revenu de base. L’immunité des élus avait été supprimée, ils étaient jugés comme les citoyens.
Les laboratoires pharmaceutiques furent interdits d’exercer, et de développer des produits. Seule, la médecine alternative était reconnue et remboursée. Acupuncture, Énergétique, Ayurveda et toutes autres médecines autrefois interdites furent remises en valeur et prises en charge par le système de couverture sociale.
Les propriétés immobilières inoccupées et appartenant aux grosses fortunes furent partagées aux plus démunis. L’accès à la propriété fut simplifié, ainsi que la transmission des biens dans une famille des parents aux enfants. Le partage de ses biens était géré par un groupe de sages citoyens qui empêchaient les conflits de famille.
Tous les dépôts de brevet étaient également soumis à une commission de sages qui décidait, si oui, ou non, ceux-ci rentraient dans le cadre d’une évolution écologique qui n’allait pas à l’encontre d’un développement sain et durable, et ne remettaient pas en cause le bien-être du citoyen.
Des responsables sages et désignés par le peuple avaient été choisis pour représenter la parole et les choix des citoyens. Le chômage avait régressé de 62% en six ans. Des monnaies locales complémentaires dans chaque région et gérées par les citoyens avaient permis de remonter l’économie de chacune. Les petites entreprises artisanales se multipliaient. L’économie française avait considérablement évolué comme jamais depuis la dernière guerre. Chaque mois se réunissait les responsables de région au travers d’un conseil citoyen, pour décider des choix au niveau national.
Dans les zones urbaines, le long des rues, des bacs de plantes était aligné, entretenu par tous les habitants. Des bacs d’épices, de légumes, de fruits. Les véhicules fonctionnant au diesel et à l’essence étaient désormais interdits, seul le véhicule propulsé par des moteurs à eau, électriques, à inertie étaient autorisés. Les vélos et les tramways envahissaient les zones urbaines. Seuls, quelques petits camions à énergie solaire traversaient les villes pour transporter les marchandises nécessaires à la population.
Les éoliennes et les capteurs solaires s’étaient multipliés sur les bâtiments les plus hauts. Dans les zones rurales, des capteurs solaires partageaient l’électricité aux fermes. La permaculture se développait à une vitesse étonnante. Dans les jardins privatifs, les serres équipées de capteurs solaires et de récupérateur d’eau se multipliaient.
Les supermarchés avaient été démantelés pour permettre aux petits commerçants de quartier de revivre. La monoculture fut interdite ainsi que l’élevage intensif. Les fermes retrouvaient leur origine.